Les KATAS

Cet article sur les katas est destiné à faire partager, en toute modestie, au pratiquant, qui connaît déjà le kata, mes sensations, suggestions et réflexions personnelles.

Le kata est défini comme un combat réel contre des adversaires imaginaires et c’est bien sûr dans cet esprit qu’il faut le pratiquer dès que l’on a acquis le simple enchaînement des mouvements du kata .
Cependant, lors de l’exécution, il n’y a pas d’adversaire , hormis nous même et nos limitations et imperfections .

 

Le kata revêt au moins 2 aspects indissociables : le corps et l’esprit.

 

  • Le corps, c’est la dimension « art martial »; c’est la technique que l’on doit rapprocher de la perfection ; c’est le moule dans lequel on doit contraindre le corps jusqu’à ce qu’il s’y sente à l’aise.
  • L’esprit, c’est le « ici et maintenant » du zen. C’est la vacuité créatrice d’un esprit qu’on libère des pensées parasites pour le concentrer dans la vigilance (sanchin) et la gravité. Je nomme « gravité » le sentiment de défendre sa vie lors de l’exécution du kata, ou à minima son intégrité physique.

 

Durant toute l’exécution du kata, l’esprit est en retrait du monde extérieur. Je ne veux pas dire en retrait de l’environnement immédiat dont il faut garder pleine conscience, mais en retrait des problèmes et soucis quotidiens. Ni passé, ni futur, il faut maintenir son esprit au présent, concentré; dans l’action en cours, ou immédiatement à venir. Ainsi, l’action doit être accompagnée, ou très légèrement précédée d’une forte intention. Cette intention ne contient ni violence, ni malveillance, ni vengeance ; elle n’est que vérité et sincérité du geste technique .

Au delà de la dimension pédagogique de transmission du savoir, on pourrait se demander quel intérêt ou quel plaisir réside dans la pratique de ce « combat imaginaire ».
A un journaliste qui lui demandait pourquoi l’homme éprouve le besoin de monter sur des montagnes, Lionel Terray répondait « parce qu’elles sont là ». Il signifiait, de manière sibylline, que l’homme recèle de telles potentialités qu’il cherche à les exploiter dès qu’il en a l’occasion et sans autre motif. J’ajouterais qu’il le fait volontiers avec élégance, pouvant aller jusqu’à l’art.

Art, beauté du geste, perfection technique, efficacité, engagement, c’est aussi le kata.

Katas de base

Heian Shodan

embusen heian shodan detoure

Ce kata est défini comme l’étude de la position zenkutsu.
J’ai redécouvert ce kata en étudiant le kata Meikyo. Dans Meikyo, il est proposé de ramener le pied « avant » pour passer de kiba dashi à zenkutsu. Ce recentrement induit une sensation de poussée vers l’avant que l’on ressent dans tous les zenkutsu de Eian shodan.
On explique que le déroulement des katas, essentiellement vers l’avant, constitue une démarche pédagogique simplifiante et que l’application avec partenaire devra nécessairement s’accompagner de reculs (absorptions) lors des blocages, suivis d’avancées (ayumi ashi, yori ashi ou tsugi ashi) lors des contres. Je pense qu’on peut y voir (et ressentir) quelque chose de plus profond qui caractérise l’aspect pénétrant du karaté shotokan. Cette sensation est plus nettement perçue dans le sen no sen (attaque dans l’attaque) que dans le go no sen (blocage suivi de contre). C’est l’idée de « briser » l’attaque de l’adversaire en atteignant son équilibre (ligne médiane de son corps, incluant son centre de gravité). Dans le sen no sen, on « brise » même l’intention de l’attaque.

Hiean Nidan

embusen heian nidan detoure Ce kata est défini comme l’étude de la position kokutsu.
Cette position sur l’arrière est plus facile à réaliser correctement dans les déplacements vers l’arrière (iki ashi) que vers l’avant (ayumi ashi). Aussi, je conseille de la travailler à partir de la position yoï (1ère technique du kata) en insistant sur le fait de descendre sur place en pliant la jambe droite et en ouvrant la jambe gauche (kokutsu gauche), la majorité du poids du corps restant sur la jambe droite (jambe arrière).
On travaillera évidemment l’autre côté, vers le kokutsu gauche.
On travaillera ensuite le kokutsu en reculant, ce qui favorise l’écrasement vers la jambe arrière.
Enfin, on travaillera vers l’avant en conservant néanmoins la majorité du poids du corps sur l’arrière.
Les compétiteurs kata ouvriront un peu plus leur position kokutsu en conservant néanmoins un appui majoritaire sur la jambe arrière.
La deuxième particularité introduite par ce deuxième kata de base est l’introduction des techniques du bras arrière (gyaku zuki et gyaku uchi uke). Ces techniques nécessitent des mouvements de hanche pour le gyaku zuki et une forte rotation contraire des épaules pour le gyaku uchi uke. Toutes l’efficacité du karaté réside dans cette impulsion de hanche pour les tsuki et dans cette forte rotation des épaules pour les blocages.

Hiean Sandan

embusen heian sandan detoure

Ce kata est défini comme l’étude de la position kiba dashi. Cette position, forte et équilibrée, doit-être abordée avec l’idée de forcer les 2 talons vers l’extérieur.
Depuis la position debout pieds joints les poings sur les hanches, levez le genou droit très haut, en gardant les épaules de face, et engagez fortement la hanche au moment de descendre pour effectuer la technique fumikomi ; avancez le coude droit sans incliner le buste vers l’avant et le ramener aussitôt dans le plan des épaules ; effectuer la technique suivante, uraken uchi, dans un plan strictement frontal (plan vertical des épaules de profil ), avec la même vitesse à l’aller et au retour à la position initiale, le coude, immobile, représentant l’axe de rotation du mouvement.

Heian Yodan

embusen heian yodan detoure

Ce kata introduit des techniques plus complexes et surtout doubles : yoko géri + uraken uchi.
Depuis la position de départ yoi, descendez sur place vers kokutsu dashi en ouvrant et en pointant les mains vers le sol (armé du double jodan aishu uke).
La 3ème technique (juji uke) ne devrait pas « tomber » directement depuis jodan aishu uke, mais devrait être armée avec les 2 poings ramenés à la hanche droite. En effet, il est préférable de faire partir l’énergie du ventre (hara) que des épaules.
Entre la 4ème technique (kokutsu dashi morote uke) et la 5ème (yoko geri + uraken uchi), souvenez vous qu’à une époque précédente, on marquait un léger temps d’arrêt, en équilibre sur le pied droit, avec armé du pied gauche (pour yoko) et armé des 2 poings à la hanche droite. Aussi, entre les techniques 4 et 5, »passez » par cette position qui permet un recentrement utile.
Après le 2ème gyaku mawashi empi (coup de coude gauche), les 2 techniques doubles suivantes (jodan et gedan shuto uke, suivies de jodan shuto uke et jodan shuto uchi) doivent être enchainées avec une nette rotation des hanches.
Pour le mae geri qui suit, armez ce coup de pied en levant le genou droit jusque sous le coude droit et, si votre souplesse vous le permet, réalisez ce mae geri au niveau jodan (sous le menton).
Marquez nettement la technique osae uke gauche qui suit le mae geri et précède uraken shomen uchi (kiai) en position kosa dachi (position debout, genoux fléchis, pieds croisés).
Je pense préférable de pivoter à partir de la position kosa dachi, sans reculer préalablement le pied gauche, mais en avançant le pied gauche, en fin de pivot, vers la position kokutsu dachi.
Kakiwake uke : ne cherchez pas à amener les 2 poings dans le même plan frontal au risque de détériorer la position kokutsu dachi ; il est normal que le poing du côté du pied arrière soit posistionné légèrement en arrière de l’autre poing.
Mae geri : tout le monde sait qu’il faut conserver la position des avant-bras en kakiwake uke jusqu’au tsuki…
Morote uke : ne lancez pas ce blocage renforcé en rotation (risque de déséquilibre de la position kokutsu dachi), mais plutôt en translation vers l’avant.
Saisie de la tête : placez les 2 mains dans 2 plans verticaux (pouces dans le même plan ou à l’intérieur pour viser les yeux).
Hiza geri (coup de genou + kiai) : regroupez le genou et armer avant kokutsu shuto uke.

Hiean Godan

embusen heian nidan detoure

Le dernier et le plus complexe des katas Eian.

Il comporte de nouvelles techniques, de nouvelles positions, un rythme varié.

Comme pour les katas 2, 3 et 4, depuis la position de départ yoi, descendez sur place vers kokutsu dashi pour éxécuter uchi uke gauche , suivi de gyaku zuki droit. Afin de ne pas déformer la position kokutsu dashi, ne cherchez pas à forcer la technique gyaku zuki vers la gauche, puis lentement prenez la garde « de l’eau qui coule » (mizu-nagare-kamae) avec le poing gauche en hikite à la ceinture et l’avant bras droit devant vous, tous le membre supérieur présentant une pente régulière vers le poing droit fermé (l’eau qui coule). Inspirez durant cette prise de garde.

La même séquence de 3 techniques est ensuite éxécutée à droite.

Depuis la garde (droite) « de l’eau qui coule », « tombez » en kokutsu droit et exécutez moroté uke droit directement, sans aucun armé.

Les 5 techniques suivantes sont exécutées en enchaînement avec kiai sur la dernière technique (oi zuki). Je pense que l’étude du bunkai simple de cette séquence permet, comme souvent, d’améliore la sensation de cet enchaînement.

Exécutez le demi-tour kiba dashi gedan barai rapidement. Le fait d’armer le gedan barai comme un soto uke durant le demi-tour permet d’accélérer ce dernier.

Les 4 techniques suivantes s’executent au rythme de 2, puis 2 : haishu uke et mawashi empi, puis chudan morote uke et (tournez la tête vers la droite) chudan morote ura zuki en position renoji dachi (les pieds forment un « L »).

Armez les 2 poings hikite juste avant le saut. Lancez le genou droit en rotation et vers le haut.

Retombez juji uke (kiai), le dos droit en se penchant très peu vers l’avant.

Sans remonter de cette position basse, « poussez » la technique suivante : zenkutsu morote uke.

Après le pivot 180° qui suit, faire précéder jodan nagashi-teisho-uke et gedan-shuto-nukite d’un armé en grande ouverture de garde (la main qui finit en haut commence armée en bas et réciproquement).

Ramener le pied avant dans l’axe pour kokutsu gedan barai et jodan uchi uke. Ces 2 derniers temps sont enchaînés.

Après être passé debout pieds joint, se servir du croisement des bras pour pivoter sur le talon gauche. Puis armer en ouverture de garde et répéter les 2 techniques précédentes.